Tu veux faire quoi, exactement?

C'était un tout autre monde lorsque les deux personnes avaient franchi le pas de la porte assez lourde que celle de l'atelier. Suffisamment lourde en tout cas pour que ce soit le jeune mage qui ouvre cette porte en acier trempé, plutôt que la vieille dame. Porte qui se referma assez vite, afin de ne pas laisser la chaleur s'échapper. Et pour cause : L'intérieur semblait être une véritable fournaise, puisque au fond de la salle, se trouvait littéralement une forge, avec une enclume et un gigantesque fourneau. Mais là n'étaient pas les seuls équipements de l'atelier. Se trouvaient également un métier à tisser, une machine à coudre, un mur avec des dizaines, non, des centaines d'outils, tournevis, clefs de toutes tailles, pinces de toutes tailles, des scies, un coin avec des dizaines de sculptures en pierre commencées mais non terminées, un tour à poterie... Et plein d'autres instruments dont le jeunot semblait n'avoir aucune idée de comment utiliser. Contrairement à la vieille dame. Non pas qu'elle était experte en maniement de la scie sauteuse. Mais elle se souvenait avec nostalgie des heures passées à essayer chaque instrument pour voir si c'était son talent que d'utiliser cet outil. Elle soupçonnait même le chat d'inventer des outils purement pour savoir comment la magicienne à l'époque tenterait de les utiliser. Et aujourd'hui... Elle passerait un peu le flambeau à la prochaine génération.

Restait donc à savoir si, dans cet environnement dangereux, être déconcentré était une bonne idée... Mais la vieille dame n'avait en effet plus aucune idée d'où sa canne était passée. Ce qui ne l'empêcha pas, par dépit, de donner un gros coup de pied endurci par magie sur une poubelle du coin qui s'était un peu trop approchée. Ca faisait cependant tout étrange de le faire avec ses propres membres plutôt qu'avec sa canne...

Ah, cela faisait bien longtemps que l'on ne l'avait pas plongée dans un état de déconcentration. La vieille dame ne savait absolument plus où elle en était dans son train d'activités et n'avait aucune idée de l'endroit où sa canne se trouvait. Elle avait bien un plan d'action quelque part, mais ce plan lui était sorti de ses pensées depuis qu'une chanson avait pris sa place. Du moins, elle espérait que c'est à cause de la chanson et non un début d'Alzheimer. Tout cela pour se protéger des flammes. Elle n'avait aucune idée de la raison physique qui faisait que cette chanson la protégeait de l'immolation, mais ce n'était pas comme si cela avait une quelconque importance. L'instant présent était occupé par guider le petit jeunot qui faisait tourner son tour de poterie, ses mains pleines de glaise froide et humide. S'il y avait une raison pour laquelle ils avaient fait un grand bol, elle s'en souviendra probablement plus tard, mais l'important était probablement de continuer une suite relativement logique.

Touchant délicatement du bout du doigt la poterie afin de ne pas lui appliquer un défaut de forme, la vieille magicienne laissa son énergie circuler entre ses doigts avant de la transmettre à ce médium d'argile. Avec l'intention de rendre l'ensemble comme un roc. Ce qui, appliqué à de la terre humide, séparait tout ce qui était transformable, c'est à dire la faience, de ce qui ne l'était pas; à savoir l'eau et d'éventuelles impuretés. De ce fait, le saladier laissa l'eau s'écouler par la force de la gravité. Ce qui en faisait une sorte de passoire avec des trous extra fins.

Pitaya opina sans discourir plus. La confrontation du blob pouvait finir si Granny frappait aussi. Son focus bâton d'acajou lui manquait. Mais il fallait d'abord finir son combat avant. Granny aurait tout son loisir pour approfondir la position quand son blob aura disparu. Par la mort ou par la soumission. Sauf quand la distraction dans sa raison lui donnait l'inspiration pour la chanson.